Comment éviter le massacre des choux ?
« O que trois ou quatre fois heureux sont ceux qui plantent choux ! O Parques, que ne me filastes vous pour planteur de choux ! » déplore Rabelais, qui n’a probablement jamais eu à gérer une invasion de chenilles sur ses choux. Ces redoutables rampants ravagent sans discrimination le merveilleux clan des crucifères : chou, brocoli, chou-fleur, choux de Bruxelles et autres verdures apparentées.
Du tout début du printemps à l’automne, les piérides du chou, de jolis papillons blancs très sournois, viennent déposer leurs œufs sous les feuilles de nos brassicacées préférées. Et là, il ne nous reste plus que nos yeux pour pleurer. Les chenilles qu’ils deviendront, transformeront, à grands coups de mandibules tranchantes comme des rasoirs, les feuilles des pauvres crucifères en dentelle, avant qu’on n’ait eu le temps de dire ouf.
Heureusement, il existe des moyens écologiques pour dissuader les piérides de pondre sur nos choux.
On dégaine des vieux bas et collants pour masquer nos protégés, style braqueur de banque. S’ils sont troués, on n’utilise pas les parties abimées. On coupe le pied, on fait un nœud, on recouvre le chou et on ficèle sous le chou pour maintenir le masque en place. On peut aussi utiliser le reste de la jambe du collant ou du bas en coupant des portions un peu plus longues que le chou, on fait un joli petit nœud en haut et on attache le bas comme précédemment. Ces enveloppes vont s’étirer au fur et à mesure que les choux grandiront. Les papillons ne viendront pas y pondre leurs œufs, non pas parce qu’ils sont effrayés par ces choux masqués, mais parce qu’ils détestent le contact de la fibre synthétique sur leurs délicats petits corps sensibles.
Pour renforcer la protection contre les piérides, pucerons et autres insectes nuisibles, on associe des plantes amies comme la menthe poivrée, dont l’odeur puissante repousse ces ennemis.
Une autre défense, aussi rusée que perfide, consiste à cultiver des pièges végétaux – des plantes qui attirent des prédateurs ciblés – à côté de nos pauvres légumes sans défense. Cosmos, mélisse et capucines sont parfaits pour détourner les piérides de nos gros joufflus. Ces délicieux dissuadeurs décourageront les ravageurs de s’approcher de nos brassicaceae adorées, en les forçant à faire leurs dégâts ailleurs.
On peut aussi tricher en installant des coquilles d’œufs blanches autour des choux, brocolis et leurs cousins. En les voyant, les coupables, fort dépités, pensent que le territoire est déjà occupé par une autre piéride et vont pondre leurs œufs ailleurs.
Si, par malheur, les chenilles sont déjà in situ, la bonne nouvelle est qu’on peut recruter des guêpes parasitoïdes pour jouer les Terminator. Pour attirer ces toutes petites tueuses, on fait pousser les plantes qui attirent les coccinelles et les chrysopes : l’ail – dont elles adorent les jolies fleurs mauves –, la mélisse, le persil, la camomille, la menthe poivrée et la cataire. (Cette liste n’est pas exhaustive.)
En dernier recours, pour exterminer les chenilles et les vers, une bonne dose de farine, saupoudrée sur leurs cibles – choux de Bruxelles ou pas, chou-fleur, brocoli, etc., – est une arme de choix. On laisse en place deux jours avant de rincer. Les dentelières ravageuses vont avaler avec la plus grande voracité cet aliment fatal pour leur pauvre système digestif et mourir dans d’atroces souffrances, en poussant des hurlements de douleur.